— Pourriez-vous nous en dire plus sur votre implication dans ce festival ?
M.-A. L. : Cela fait huit ans que je participe à ce festival. J’ai eu l’occasion de montrer différentes séries prises au cours de ces dernières années en Chine pays où j’ai longuement résidé ou en France. L’an dernier, cinq séries faites avec mes amies photographes Wang Han et Myriam Simonneau étaient montrées à Villassavary. C’était pour nous intéressant de découvrir ces images exposées en même temps dans plusieurs endroits d’un même village. Ces séries, très plastiques, qui avaient le rouge comme fil conducteur, se répondaient.
L’an dernier, j’ai eu également l’occasion d’organiser une projection commentée de travaux de jeunes photographes chinois. Pour le spécialiste de la Chine que je suis, les échanges avec le public étaient particulièrement intéressants. En effet, le rôle d’un festival photo n’est pas seulement de montrer des photos mais aussi d’accompagner les publics pour qu’ils puissent développer leur culture visuelle et comprendre ce qu’une image ou une série peuvent dire et comment elles participent à la construction d’un discours sur le monde.
L’an dernier, Guy Catalo m’avait invité à l’occasion de l’ouverture du festival à Villesiscle et à Belpech à commenter, lors d’une déambulation faite à pied, toutes les expositions du village. J’ai particulièrement apprécié cette forme d’improvisation qui était pour moi une expérience nouvelle face à un public d’une cinquantaine de personnes. Improviser des commentaires en étant confronté à des images prises par d’autres, c’est s’interroger sur ce qui fait sens dans une image et sur la façon dont les photographes construisent leur regard et leur manière de nous le donner à voir. En effet, notre perception des images n’est pas objective ; elle est liée à la façon dont s’est construite notre culture visuelle en fonction des musées de peinture que nous avons visités depuis notre enfance, des photographies d’œuvres ou de créations artistiques que nous avons pu observer ici ou là comme de ce que nous regardons sur Internet ou sur les panneaux publicitaires. Notre réception des images s’ancre profondément dans nos histoires sociales et culturelles. D’autre part, c’est toujours très touchant de parler du travail d’un ou d’une photographe en sa présence car c’estlui apporter la preuve que les photographies que cette personne a prises « parlent » et font sens pour autrui.
Cette année, Guy Catalo m’a demandé de réitérer l’expérience en commentant plusieurs expositions de Jean-Pierre Duvergé en sa présence lors d’une déambulation au village de la Force. Commenter les portraits qu’il a pris en Éthiopie, en Inde ou ailleurs sur la planète, c’est encore s’interroger au travers des rencontres qu’il a essayé de capturer avec son objectif sur ce qui nous relie au monde et nos manières de faire lien, ici ou sous d’autres latitudes, avec d’autres humains. D’autre part, cette déambulation à La Force a montré, s’il en était encore besoin, que se déplacer le long des rues d’un village pour découvrir ensemble au fil de nos pas une exposition change assurément la réception que l’on en a.